Qu’est-ce que le "fonds vert" ?
“Nous allons mettre en place un 'fonds vert' doté d’1,5 milliards d’euros à destination des collectivités pour les aider dans l’accélération de leur transition écologique. “ a annoncé Elisabeth Borne au journal Le Parisien, le 28 août 2022. La Première Ministre prévoit d’allouer ces ressources à “la mise en place de solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre” et à l’adaptation “au changement climatique”. Concrètement, des réhabilitations de friches afin de limiter l’étalement urbain sont envisagées, de même que des rénovations énergétiques de bâtiments publics comme des écoles, de nouvelles introductions de nature dans les villes, ou encore la mise en place de nouveaux équipements comme des parkings relais à l’entrée des villes.
S’agit-il d’une mesure nouvelle ? Dans les faits, certains des exemples de projets évoqués par la Première Ministre indiquent que le "fonds vert" concernera certains champs d’actions déjà couverts par la Dotation de Soutien à l’Investissement Local. Ce fonds de 2 milliards d’euros, permet d’ores et déjà de financer les grandes priorités d’investissement des communes et de leurs groupements.
La Préfecture du Nord indique que la Dotation de Soutien à l’Investissement Local (DSIL) est notamment destinée à la rénovation thermique, la transition énergétique, le développement d’énergies renouvelables, la rénovation de bâtiments scolaires. Ces domaines et les projets qui ont bénéficié de ce soutien, répertoriés sur une carte interactive, montrent que le champ d’action du "fonds vert" comprend en partie des projets déjà soutenus : rénovation d’écoles, créations de pistes cyclables, par exemple. En revanche, la concentration sur des projets visant à accélérer la transition écologique, elle, est nouvelle.
Les détails du "fonds vert" figureront dans le plan d’action de plus long terme sur la planification écologique, dont le premier chantier dédié à la gestion de l’eau a été lancé le 29 septembre 2022.
Les implications d'un tel fonds
Le message de cette annonce est clair : le gouvernement français entend se positionner en soutien de la lutte contre le changement climatique. Les infrastructures publiques et plus largement l’immobilier ont donc un rôle important à jouer dans ce défi, et en s’adressant aux collectivités territoriales, la transition écologique à l’échelle locale est mise en avant. En agissant sur les systèmes énergétiques, de chaleur, sur les mobilités qui lient ces infrastructures ou encore en favorisant l’usage des énergies renouvelables, il est possible de réduire l’empreinte carbone de nombreux bâtiments. Les mots d’Elisabeth Borne semblent indiquer que le "fonds vert" aura notamment pour visée d’accompagner la décarbonation de telles infrastructures.
Un "fonds vert", mais pour quels projets ?
En apparence, des mesures semblables ont été instaurées par le passé. En quoi ce fonds serait-il différent d’autres fonds verts déjà existants ? Le Paris Fonds Vert (2018) qui avait été lancé à l’initiative de la ville de Paris dans le but de soutenir une économie bas carbone et inclusive avait pour but “d’investir dans des PME à fort potentiels de croissance qui développeront pour Paris et ses habitants, des solutions innovantes dans le domaine de la transition écologique”, grâce à des investisseurs privés. Ce ne sera pas le cas du "fonds vert" annoncé. A l’échelle mondiale, la France est engagée dans le fonds vert pour le climat, qui permet le transfert de fonds des pays les plus développés vers les pays les plus vulnérables face au changement climatique. Le but : mettre en place des projets visant à lutter contre ses effets et à en accélérer l’adaptation.
En somme, l’appellation « fonds vert » désigne tous fonds mobilisés en soutien à la lutte contre le changement climatique. L’élément distinctif du "fonds vert" annoncé fin août 2022 réside ainsi dans sa concentration sur les collectivités territoriales, ce qui implique que le secteur privé ne sera pas concerné par cette aide.
Par ailleurs, comme le souligne La Gazette des Communes, les collectivités s’interrogent sur la nature même du fonds par rapport à la DSIL. Comprenant 6 thématiques d’éligibilité au financement telles que la rénovation thermique, la transition énergétique, le développement des énergies renouvelables, elle ne semble pas fondamentalement différente du "fonds vert". Les élus s’inquiètent donc de ne pas se voir réellement allouer une aide nouvelle, mais plutôt une réorientation de fonds déjà existants vers des projets centrés sur l’adaptation aux enjeux écologiques. Pour Benoit Leguet, directeur général d’I4CE et membre du Haut Conseil pour le Climat, ce fonds doit être dédié à la révision de la mobilité au profit d’une mobilité propre, la rénovation des bâtiments publics, ou l’adaptation aux conséquences du changement climatique.
Outre les interrogations sur les conditions d’éligibilité, la question majeure que se posent alors les collectivités territoriales concerne la provenance du "fonds vert" : fonds “frais”, ou alors argent déjà mobilisé au travers d’autres aides comme la DSIL, mobilisé puis réalloué ?
L'impact possible du "fonds vert" à travers les projets immobiliers
Dans le cadre des exemples de projets cités par Elisabeth Borne lors de son intervention dans le Parisien, le "fonds vert" permettrait de décarboner certaines infrastructures en diminuant leur consommation d’énergie, en électrifiant les transports des collectivités avec des sources d’énergie peu émettrices, et en favorisant l’absorption et le stockage du carbone par la nature. Selon le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), ce type d’interventions permettrait tant aux grandes villes qu’à celles de plus petite taille de réduire de manière significative leurs émissions de GES.
Dans ce sens, un rapport de l’ONU datant du 4 avril 2022 souligne le rôle clé des zones urbaines et les opportunités qu’elles représentent pour la lutte contre le changement climatique. “Toutes les villes, quelles que soient leur taille, peuvent contribuer à un avenir neutre en carbone en intégrant des secteurs, de nouvelles stratégies et des innovations. La façon dont les zones urbaines sont planifiées, leurs interactions avec les systèmes énergétiques et les demandes de matériaux, soulignent de nombreuses opportunités avec des avantages pour les populations et pour la planète.” explique Siir Kilkis, autrice pour du GIEC.
Seulement, selon Public Sénat, “les communes sont aussi bridées par l’absence de compétences. Elles manquent d’ingénieries, de services.” Pour Ronan Dantec, (sénateur de Loire Atlantique) “beaucoup [de territoires] ne savent pas encore par où commencer”. Pour intégrer ces nouvelles exigences et mettre concrètement les actions liées, les collectivités territoriales vont s’appuyer sur des expertises décarbonation dans l’élaboration de leur stratégie locale, avec pour objectif de mettre en place des mesures concrètes telles les rénovations énergétiques ou l’adoption de mobilités douces évoquées plus tôt.
Pour l’heure, beaucoup d’informations ne sont pas encore disponibles, et les acteurs potentiellement concernés restent attentifs aux informations qui concerneront notamment les conditions d’application du "fonds vert", les modalités de financement de cette enveloppe, ou encore ses conditions d’éligibilité. En revanche, une allonge de l’enveloppe à 2 milliards d’euros a d’ores et déjà été annoncé début octobre 2022, selon Le Courrier Des Maires.
Sources :
https://www.lagazettedescommunes.com/822273/transition-ecologique-un-fonds-vert-encore-bien-flou/