Par Alex Grandgirard, Urbanomy
20/12/2023

Ce devait être la solution aux maux d'une météo bonne à tirer les rideaux.

Après deux ans d’expérimentation à grande échelle, la métropole de Lyon a annoncé l’été dernier qu’elle mettait un terme à son initiative de recouvrir des sols de la ville de peinture blanche anti-chaleur.

Les raisons ? Une efficacité modérée compte tenu du prix élevé de ce revêtement. Ce constat, sensiblement moins positif que prévu, intervient alors que les résultats des tests n’ont qu’une année au compteur. Et pourtant, cette idée n'avait été appliquée que sur une surface d’environ 100m² dans le 7ème arrondissement de Lyon. La bonne nouvelle ? Il a été décidé, à la place, de planter massivement des arbres pour faire face, à l’horizon 2050, aux hausses de températures. Qui s’annoncent extrêmes.

Les services publics entendent ainsi verdir le tissu urbain, créer davantage de trame verte et inscrire l’aménagement du territoire dans une stratégie de résilience aux aléas climatiques. Le parallèle avec la ville de Bordeaux n’échappera pas aux yeux les plus avertis, où la mairie a notamment décidé de lancer un plan de végétalisation. Elle s’engage elle aussi à planter plus de 30 000 arbres dans les deux prochaines années.

Un peu partout en France, en réalité, des villes déploient de l’acacia, de l’amandier, du bouleau, du chêne vert, du merisier ou encore du néflier du Japon. De bon augure lorsque l’on sait qu’un arbre arrivé à maturité est en mesure d’évaporer environ 450 litres d’eau par jour ; selon l'Ademe, c'est l’équivalent de cinq climatiseurs fonctionnant vingt heures par jour. S’agissant de la métropole de Lyon, ce ne sont pas les quelques 30 000 espèces différentes de faune et de flore et les 4 000 espaces protégés ou zones naturelles d’intérêt écologique de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui vont s’en plaindre. Alors ce changement de cap est-il salutaire ?
Photo de deux ouvriers peignant une toiture en blanc
roofimages / Pixabay

Un principe bête comme chou, mis en place de San Francisco à Melbourne

Le recours à une peinture dite « anti-chaleur » rencontre un plus grand succès en dehors des frontières françaises. Outre-Atlantique, des mégalopoles comme Los Angeles et New York, ou plus loin encore Melbourne en Australie, expérimentent cette réponse depuis plusieurs années. La palme revient à San Francisco : afin de lutter contre la chaleur, la ville a récemment lancé un plan massif de recouvrement des sols de plusieurs quartiers. Un remède qui peut paraître extrêmement basique (voire « low tech » ?) dans une région symbole des géants d’internet et de l’intelligence artificielle. Cette innovation semble donc adoptée dans des environnements urbains parmi les plus exposés aux risques climatiques. Comment expliquer, dans ce cas, le revirement de situation de la métropole lyonnaise ?

Regardons de plus près les particularités de cette peinture « miracle ». Ce procédé innovant n’utilise aucun solvant, le principal composant étant des billes de céramique constituées de vides qui créent une isolation de surface. Une idée révolutionnaire et pourtant aussi simple que des composants d’argile utilisés dans un terreau pour isoler l’humidité. Cette idée existe depuis des années et elle est notamment utilisée pour isoler les toitures, les toits et les terrasses. En effet, elle permet de renvoyer plus de 90% du rayonnement solaire participant, avec le complexe d’isolation, à une diminution de la température intérieure allant jusqu’à 6°C. Dernier avantage : la réduction des problèmes d'humidité en limitant les effets de parois froides que l'on peut retrouver sur les toitures peu exposées. Dans ce cas, pourquoi n’avons-nous pas recouvert nos toitures et nos voiries plus tôt ?

Le bling et le blanc

La principale problématique d’une telle solution, au-delà des enjeux financiers, est la réflexion lumineuse qu’elle engendre. En effet, les matériaux qui composent la plupart des toitures et des routes absorbent davantage le rayonnement solaire. Ils diffusent une partie plus importante de cette énergie sous forme de chaleur dans l’air ambiant que la végétation qu'ils ont remplacée. Ainsi, l’utilisation d’une peinture anti-chaleur substitue la problématique de l’absorption du rayonnement solaire à celle de la réflexion.

Du côté des désagréments, la couleur blanche choisie pour ces peintures est salissante et engendrerait de nombreux coûts de nettoyage. Toutes ces conséquences en font un outil dont l’efficacité théorique n’est pas à remettre en cause ; simplement pas une arme pérenne pour les collectivités. En somme, les performances en matière d’isolation thermique ne sont pas suffisantes au regard de l’investissement financier. La résistance aux sollicitations urbaines n’est pas pérenne et le désagrément lié à l’éblouissement très problématique.

Si l’on souhaitait répliquer cette innovation pour répondre aux enjeux d’une ville telle que Paris (parmi les capitales les plus denses au monde) nous ferions rapidement face à de nombreux freins. La majeure partie des toitures des immeubles haussmanniens sont encadrées par des règles strictes d’urbanisme. Ainsi, il serait très compliqué de faire accepter aux Architectes des Bâtiments de France la substitution par une peinture blanchâtre, très réfléchissante, des cinquante nuances de gris du zinc si caractéristique de la capitale française.
Ouvriers à Los Angeles recouvrant une rue de peinture blanche
Compte X (anciennement Twitter) @BSSLosAngeles

L'oxygène et l'ombre qu'ils t'amènent : il faut planter des arbres !

Que retenir de tout cela ? D’abord, que la hausse toujours plus importante des températures nocturnes dans les milieux urbains reste le sujet central. Lors d’épisodes caniculaires les villes deviennent des cocottes-minute. Les espaces urbains sont mis en température le jour et nécessitent un temps de refroidissement qui dépasse largement la durée d’une nuit. Conséquence : des températures dépassant les 20°C la nuit, une incapacité à lutter durablement contre les îlots de chaleur et la santé des personnes les plus vulnérables mise à rude épreuve.

Le choix de reverdir les villes massivement dans un tissu urbain toujours plus dense semble être la réponse la plus pertinente. Il est primordial de rendre nos agglomérations plus résilientes aux périodes de fortes températures, qui sont chaque année plus extrêmes sur des périodes qui ne cessent de s’allonger. À condition de le faire intelligemment (bien choisir les essences, planter des arbres jeunes qui sont plus à même de s’adapter, élargir les espaces de pleine terre pour qu’ils puissent se développer), planter des arbres semble être l’option la plus appropriée pour répondre à cet enjeu de taille.

Non seulement ils permettent de stocker du carbone et de favoriser la biodiversité au sein de nos milieux urbains ; mais l'ombre qu’ils apportent selon la course du soleil est l’un des moyens les plus efficaces pour réduire la chaleur dans les zones très minéralisées - tant que l’on ne parle pas, bien sûr, de villes qui sont des forêts... de gratte-ciels.
Alex Grandgirard

L'auteur

Alex Grandgirard

Alex est Consultant Manager pour Urbanomy et assure le suivi de missions et la coordination d’équipe.

Diplômé de l’École Spéciale des Travaux Publics et titulaire d’un Master of Science en Architecture Bioclimatique de L’École Royale Polytechnique de Stockholm, il dispose d’une expertise pour les sujets de conception bioclimatique, de construction durable et de développement urbain et a collaboré de nombreuses années avec des architectes en maîtrise d’œuvre.

Sur son temps personnel, Alex s'adonne à la photographie argentique, au travail de la céramique, au cyclisme, au surf et aime faire de longs trajets en train.

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