Par Félix Briaud, Urbanomy
24/05/2023

La CSRD, ou Corporate Sustainability Reporting Directive, a été adoptée en séance plénière par le Parlement Européen en novembre 2022.

Ce texte doit profondément modifier les standards en matière d'impact des entreprises sur la société ou l'environnement. Dans le domaine, vous avez peut-être déjà vu passer le sigle "ESG" : cet acronyme renvoie justement à ces critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

50.000 sociétés environ doivent, d'ici la fin de la décennie, être concernées par la CSRD et une publication obligatoire d'informations d'ordre extra-financier. Voilà pour la théorie. En pratique, le processus législatif n'est pas terminé et cette directive pourrait faire les frais d'une révision à la baisse, par l'organe exécutif de l'U.E. qu'est la Commission, des ambitions des députés européens.

Premier volet d'une série d'articles de l'équipe Urbanomy pour vous aider à y voir plus clair dans l'univers réglementaire européen.

Un sujet majeur mais des informations parcellaires

Soyons honnêtes : à l’heure où ces lignes sont écrites, les médias mainstream ont à peu près ignoré le sujet de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), la nouvelle directive européenne relative aux comptes-rendus de développement durable des entreprises. Ne leur en tenons pas rigueur : le texte final a été publié au Journal Officiel de l’Union Européenne à quelques jours des fêtes de fin d’année 2022, à un moment où les préoccupations étaient certainement tout autres…
 
Il serait néanmoins malavisé de ne pas se saisir de la question car la CSRD n'est ni plus ni moins qu'un changement de paradigme, selon l’eurodéputé français Pascal Durand, rapporteur du texte au Parlement européen : « c’est une nouvelle conception du rôle de l’entreprise dans la société » expliquait-il au journal Ouest-France en novembre dernier, modifiant « la logique qui faisait de l’entreprise uniquement un espace privé d’intérêts privés ».

La performance extra-financière au même niveau que la performance financière

Pour dire les choses plus clairement : l’incidence de l’activité d’une entreprise sur le changement climatique, son utilisation des ressources naturelles, la pollution qu’elle émet, son bilan carbone mais aussi ses engagements en matière de respect des droits humains et sociaux vont devenir des préoccupations d’intérêt public, disponibles gratuitement (ou au moins en partie) sur une plateforme dédiée qui doit être mise en place à l’échelle européenne.
 
Pourquoi maintenant ? D’abord, les fragilités de la précédente directive qui régissait ce domaine sont apparues à l’usage ; mais l’Union a surtout bien conscience de devoir faire des entreprises des alliées dans l’atteinte des objectifs qu’elle s’est fixée au travers du Pacte vert pour l’Europe voté en 2020 - au premier rang desquels la neutralité climatique en 2050.
 
L’U.E. a donc décidé, avec la CSRD, d’accélérer sur la transition écologique et l’établissement de normes relatives aux droits humains et sociaux qui soient des normes « fabriquées » en Europe et pas des normes que les États-Unis, par exemple, chercheraient à universaliser.
 
L’ambition de cette directive européenne pourrait être résumée ainsi : la performance d’une entreprise en matière de développement durable va devenir aussi importante que ses résultats financiers. Sa responsabilité sera scrutée avec une attention équivalente, à la fois par le public mais aussi par les investisseurs.

L’obligation de rapport extra-financier : près de cinq fois plus d’entreprises concernées

S’il ne fallait retenir qu’un changement introduit par la CSRD, ce serait sans nul doute celui de faire passer les entreprises d’une publication quasiment facultative d’informations liées à leur responsabilité sociale et environnementale à une publication obligatoire.
 
En effet, là où les entreprises étaient auparavant libres de réaliser cette déclaration de leurs impacts sur les personnes et la planète (sauf exception), elles n’auront progressivement plus le choix de le faire.
 
Tandis que les entreprises de plus de 500 salariés, déjà soumises à cet impératif, devront publier leurs comptes-rendus de développement durable selon les nouvelles normes CSRD à partir de début 2025 (portant sur l’exercice 2024), le caractère contraignant de la publication par les sociétés nouvellement concernées se déroulera de la façon suivante :
  • Début 2026 (portant sur l’exercice 2025) pour les sociétés avec des effectifs compris entre 250 et 500 personnes et réalisant soit un chiffre d’affaires net d’au moins 40 millions d’euros, soit un bilan d’au moins 20 millions d’euros
     
  • Début 2027 (portant sur l’exercice 2026) pour les PME cotées avec des effectifs compris entre 10 et 250 personnes et réalisant soit un chiffre d’affaires net compris entre 700.000€ et 40 millions d’euros, soit un bilan compris entre 350.000€ et 20 millions d’euros. Précision importante : ces sociétés pourront, en le justifiant, demander un délai supplémentaire de deux ans pour se conformer à cette obligation. Celles qui solliciteraient cette dérogation publieraient alors leur premier rapport début 2029 (portant sur l’exercice 2028).
     
  • Début 2029 (portant sur l’exercice 2028) pour les entités non- européennes ayant généré sur le territoire de l’Union Européenne et lors des deux exercices consécutifs précédents un chiffre d’affaires net d’au moins 150 millions d’euros (d’autres conditions s’appliquent que nous vous épargnons volontairement ici).
Ces critères de qualification élargis font passer le nombre d’entreprises soumises à la publication de ces informations d’environ 11.000 à près de 50.000. Même les PME non cotées seront invitées, avec la CSRD, à publier les informations relatives à leur démarche de durabilité, de façon simplifiée et en tenant compte de leurs capacités plus limitées.

Des exigences élevées et une transposition en droit français à surveiller

Parmi les bouleversements dus à cette nouvelle directive, celui qui a fait l’objet des plus intenses tractations fut certainement la question du contrôle et de la certification des comptes-rendus de développement durable par des auditeurs financiers - au même titre que les rapports financiers, donc - avec des standards communs à toute l’Union Européenne.
 
C’est par conséquent une expertise indépendante qui sera sollicitée afin de garantir la sincérité des rapports et des démarches, preuve de la volonté forte des Vingt-Sept de porter l’information relative à la durabilité des entreprises au même degré de sérieux que l’information financière.
 
Ces cabinets vérifieront notamment le principe de « double matérialité », point central de la CSRD : c’est l’idée de regarder non seulement l’impact de la détérioration des aspects sociaux et environnementaux sur l’activité de l’entreprise mais également l’impact de l’activité de l’entreprise sur ces mêmes aspects sociaux et environnementaux - une sorte de double dialogue et un principe de réciprocité.
 
Vous l’avez compris : la quête d’exemplarité poursuivie par la Corporate Sustainability Reporting Directive satisfait à un niveau d’exigence élevé, et Urbanomy propose d'accompagner votre entreprise au travers de son offre en matière de stratégie climat. De même que pour sa prédécesseure, la directive NFRD, la transposition dans les droits nationaux des 27 pays membres, qui doit intervenir avant juillet 2024, devra cependant être scrutée de près.
 
Au milieu de la dernière décennie, la France avait par exemple choisi d’exclure les SAS, les sociétés par actions simplifiées, du périmètre de la Déclaration de Performance Extra- Financière (DPEF), transposition en droit français de la précédente directive. Sur la CSRD, néanmoins, la France a plutôt fait montre d’une volonté forte. En février dernier, le Parlement a autorisé le gouvernement à la transposer par ordonnance d’ici la fin de l’année 2023.
 
Du côté de la Commission Européenne, de récentes informations - non-officielles à ce stade - indiquent que l'organe exécutif de l'Union envisagerait de revenir, d'ici fin juin 2023, sur le caractère obligatoire du reporting, dans un contexte d'accentuation du lobbying, à Bruxelles, de la part d'organes de défense des intérêts des entreprises.
 

Sources (sélection non exhaustive) : 
 
Photo Félix Briaud

L'auteur

Félix Briaud

Félix est le responsable communication, marketing & RSE d’Urbanomy.

Journaliste durant dix ans, il a ensuite bifurqué vers la data appliquée à la publicité digitale. Ce n’est que récemment qu’il s’est convaincu, en rejoignant le cabinet, de mettre en adéquation sa vie professionnelle avec ses convictions personnelles au sujet de l'environnement.

En dehors de cela, Félix est fou de musique - particulièrement de la période allant des années 1950 aux années 1970. Dans ce domaine comme dans d’autres, il regorge d'anecdotes et sera sans aucun doute ravi de vous en raconter une ou deux.

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