La nécessité d'un passage à l'action est évidente
“Le dérèglement climatique est bel est bien là”, ou “nous ne pouvons plus ignorer le changement climatique” : de nombreux articles couvrent les impacts du changement climatique, et le ton change. Les manifestations du réchauffement climatique et ses conséquences semblent plus visibles et surtout plus proches. La multiplication des vagues de chaleur qui surviennent de plus en plus tôt dans l’année, les températures records dans de nombreux pays, comme le Royaume-Uni qui a connu en 2022 sa première canicule, les catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes comme les inondations meurtrières : les phénomènes semblent s’accélérer, s’amplifier, et se généraliser. Au-delà de l’urgence climatique, cela amène à de nouvelles réflexions sur des modèles économiques qui ne semblent plus soutenables, tant d’un point de vue de la disponibilité de ressources finies que de celui des conditions économiques pour les mettre en œuvre : l’hypercroissance ne semble ni un rêve pour les nouvelles générations, ni un modèle économique qui continuera à être soutenu par des banques et assurances qui ne suivront plus, par choix ou par contrainte.
En dépit de cette prise de conscience, les mesures ne semblent pas à la hauteur des enjeux et les actions trop lentes ne permettent pas d’endiguer le changement climatique, ou même seulement espérer l’inverser. Le lundi 4 avril 2022, le secrétaire général des Nations Unies António Guterres, dans un rapport de l’ONU, a mis une nouvelle fois l’accent sur cette urgence qui “n’est ni une fiction, ni une exagération. Il s’agit des prédictions que la science fait sur les conséquences de nos politiques énergétiques actuelles. Nous nous dirigeons droit vers un réchauffement mondial de plus du double de la limite de 1,5°C fixée lors des Accords de Paris en 2015”. A titre indicatif, un monde réchauffé de 3°C subirait des conséquences irréversibles : la France connaîtrait à 4,5°C de réchauffement des températures de 55°C à l’ombre.
En 2015, les Accords de Paris ont été adoptés avec une visée contraignante pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C par rapport au niveau préindustriel. Selon le journal “The Conversation”, les Accords de Paris respectent la trajectoire qui y a été fixée, sans pour autant suffire en tant que réponse mondiale au changement climatique. Le journal met notamment l’accent sur le fait que les Accords de Paris ne sont pas un but mais bien un moyen au service de l’action. De nouvelles politiques sont progressivement mises en place, comme l’Inflation Reduction Act aux Etats-Unis adopté le 12 août 2022, et considéré comme l’action la plus importante jamais engagée outre Atlantique contre le changement climatique.
En France, la crise énergétique a dirigé tous les regards sur l’hiver, perçu comme un défi pour les consommations énergétiques. Favoriser les « économies choisies plutôt que les coupures subies », c’est la définition de la sobriété énergétique que donne Elisabeth Borne dans le plan du même nom, publié le 6 octobre 2022. Le plan de sobriété énergétique s’articule autour de 15 mesures phares, axées sur différents secteurs et à différentes échelles : d’une limitation du chauffage des bureaux à des aides pour le passage des particuliers à la pompe à chaleur, en passant par la réduction de l’éclairage public, le but affiché est de réduire de 10% la consommation en énergie du pays d’ici 2024. Pourtant, l’objectif réel de la sobriété énergétique ne s’établit pas sur 2 ans. Le gouvernement a réaffirmé sa volonté et son engagement dans une transition énergétique qui vise à atteindre la neutralité carbone et à sortir des énergies fossiles sur le long terme.
Pour cela, des engagements communs à tous les secteurs ont été définis, ciblant majoritairement une réduction de la consommation d’énergie liée aux bâtiments et à la mobilité. En parallèle, chaque secteur a fait l’objet de propositions spécifiques, comme les collectivités territoriales qui seront soutenues par l’Etat dans leur transition, par exemple à travers le programme CEE Actee 2, de 110M€ qui vise à encourager la rénovation énergétique des bâtiments inefficaces, programme doublé pour inciter les collectivités à passer à l’action. Autre soutien de l’Etat aux collectivités territoriales : le Fonds Vert.
Quels résultats attendre de ces changements ?
Outre la réduction conséquente des émissions de gaz à effet de serre qu’elles engendreraient, de telles mesures permettraient aux collectivités d’améliorer la qualité de l’air, de stimuler l’emploi, d’étendre les infrastructures durables, et plus généralement de favoriser leur développement durable et leur adaptation au climat. En agissant directement sur le lieu de vie et de travail de tout un chacun, on peut donc générer un impact positif sur le bien-être de l’homme et sur son environnement.
Plus précisément, Priyadarshi Shukla, Co-Président du 3e Groupe de Travail du GIEC, insiste sur le fait que les bonnes politiques, infrastructures et technologies doivent d’abord être mises en place pour nous permettre de créer de réels changements sur nos modes de vie et sur nos comportements. Le terme de sobriété énergétique correspond justement à ces modifications, qui résulteraient en une réduction de 40 à 70% de nos émissions de Gaz à Effet de Serre d’ici 2050.
Par ailleurs, le sujet de la sobriété est justement au cœur des préoccupation du gouvernement. La publication du plan de sobriété a notamment été rendu possible grâce à la mise en place des différents groupes de travail correspondants à des secteurs, comme le groupe de travail “industrie” qui s’est réuni le 7 septembre pour “échanger sur plusieurs mesures et différentes pistes afin de faire la chasse au gaspillage énergétique et d’organiser la sobriété énergétique des industriels.” (economie.gouv.fr).
Cette impulsion vers la sobriété montre l’engagement pour un futur neutre en carbone, qui ne peut être atteint sans action conjointe des secteurs publics et privés avec les acteurs de la décarbonation. Partant de ce constat, le 10 octobre, le Comité Stratégique de Filière Nouveaux Systèmes Energétiques s'est réuni pour le lancement de la plateforme Je décarbone construite en partenariat avec ALLICE, le CEA et le soutien de l’ADEME.
L’ensemble des parties prenantes (équipementiers, intégrateurs, financeurs, industriels…) de la décarbonation et des économies d’énergie étaient réunis afin d’accélérer la décarbonation de l’industrie et notamment le développement des solutions technologiques produites en France. Lors de son intervention, Sylvie Jéhanno (Co-présidente du CSF Nouveaux Systèmes Energétiques) a confirmé les objectifs du Comité Stratégique de Filière : viser la neutralité carbone à 2050, développer la filière et les entreprises françaises, produire une offre compétitive. Cette initiative née il y a deux ans pour faire face aux challenges du changement climatique arrive au bon moment. L'enjeu de la plateforme : créer une équipe France avec des solutions pédagogiques et démontrées, en ayant conscience que nous sommes à la fois dans l'urgence et la construction du long terme, et convaincus que la vision intégrée des systèmes énergétiques est un élément clé pour transitionner vers une industrie bas carbone.
Lors de son intervention, Roland Lescure - Ministre délégué chargé de l'Industrie évoque l'ambition de "décarboner l'industrie traditionnelle et développer l'industrie de décarbonation". En contexte de crises multiples, énergétique, géopolitique, climatique, nous devons saisir toutes les opportunités pour accélérer la décarbonation. L'Etat doit donc être stratège et la planifier. La planification énergétique et carbone étant notre cœur de métier chez Urbanomy, nous sommes particulièrement engagés pour contribuer et faire vivre cette filière décarbonation sur le long terme, et étions particulièrement heureux d’être présent lors de cette journée.
Les mesures à l'épreuve
Alors que l’urgence climatique est au cœur des enjeux face à une tendance qui ne s’inverse pas, la mise en place de politiques de soutien à la transition écologique des collectivités territoriales comme le Fonds Vert témoigne de la nécessité du passage à l’action. Le défi sera alors d’allouer ces fonds de la manière la plus pertinente pour permettre une utilisation efficace qui rende effective la décarbonation des infrastructures existantes et à venir. Après l’annonce de mesures concrètes dans le plan de sobriété, des effets immédiats sont plus que jamais attendus dans un contexte d’augmentation du prix des énergies, notamment sur les consommations énergétiques pour répondre à un autre enjeu majeur : le pouvoir d’achat dans un contexte de crise énergétique.